Trois petites traces de pas d’oiseaux dans le sable et tout autour, pour les protéger, un immense écrin de 150000 ha, c’est la réserve géologique de Haute-Provence. Ces quelques traces forment ce que l’on peut appeler un véritable «miracle géologique». Témoignage d’un passé vieux de 20 millions d’années, à une époque où l’humanité demeurait encore enfouie dans le patrimoine génétique de quelque mammifère supérieur de l’ère tertiaire. Après avoir été recouverts, basculés, enterrés, après avoir subi séismes et bouleversement climatiques, ces pas d’oiseaux ont néanmoins conservé toute la finesse et la fragilité de leur origine.

Voilà pourquoi ce trésor est protégé, tout comme le sont les autres sites géologiques remarquables regroupés au sein de la réserve. Cette protection est indispensable car si la Terre nous nourrit, si elle fournit notre énergie, elle est aussi notre mémoire et celle de ces mondes disparus qui nous ont précédé.


DES MUSÉES DE SITE


C’est une véritable évasion dans le temps que nous propose la réserve. Il suffit par exemple de s’engager sur la route de Barles en direction de Seyne, pour percevoir toute la diversité et toute la richesse de ces trésors naturels.

En quelques kilomètres seulement, entre Digne et les clues de Verdaches, on remonte les 250 millions d’années qui séparent le Miocène du Carbonifère.

C’est sur cette route que l’on découvre l’incroyable «dalle à ammonites» que les Japonais voulaient naguère nous acheter et dont une copie est finalement exposée au musée de Kamaichi. Cette dalle, encore en partie enfouie, mesure plus de 400 ml et recèlerait quelque 1 500 ammonites dont certaines dépassent 60 cm de diamètre. Il est prévu de la dégager entièrement et de construire sur le site un musée qui mettra en valeur ce trésor géologique.

Plus loin, sous leur dôme de plexiglas, véritable musée de site, les restes de l'ichtyosaure, ce reptile marin de 175millions d'années, attendent le randonneur après une demi-heure de marche dans un paysage totalement protégé.

Plus loin encore, dans l'espace et dans le temps, nous voici plongés au Carbonifère, à l'époque où la végétation conquiert la surface de la planète. C'est la grande période des fougères, des premiers arbres et des libellules géantes. Un sentier pédagogique a été aménagé en pleine forêt à l'intention du promeneur qui se voit ainsi projeté à 300 millions d'années. En suivant un jeu de piste sur les chemins du passé, tant au nord qu'au sud de Digne, on découvrira les bribes de l'histoire de la planète. Ici, la mer nous a légué des ripplemarks, ces traces de vaguelettes laissées sur le sable. Là, elle nous montre la puissance de ses courants marins à travers d'importants sillons creusés dans la roche. Ailleurs, on pourra voir des pinces de crabes, des ammonites déroulées et d'autres objets protégés dans des sites plus remarquables les uns que les autres. N'oublions pas non plus l'essentiel : le paysage.


LES PAYSAGES… POUR MÉMOIRE


Cette promenade au coeur du temps nous fait découvrir en effet, à travers des paysages ridés par le poids des ans, l'immense richesse et l'incroyable diversité de la vie passée. Cette vie que tentent de décrire les géologues venus du monde entier pour étudier les sites exceptionnels de Haute-Provence.

La réserve géologique de Haute-Provence nous raconte l'histoire de nos origines. Cette mémoire de la Terre Nous la retrouvons à travers les roches, à travers, les fossiles, à travers les paysages. 

Voilà la grande mission de la réserve : donner à voir à tous le passé de la Terre, faire prendre conscience au public de l'immensité des temps géologiques. On sera ainsi invité à se fixer un instant hors du temps pour admirer l'ondoyante poésie des strates géologiques qui semblent danser dans la roche telles de puissantes vagues de pierre.

Voilà bien ce que propose la réserve de Haute-Provence : quelques instants d'éternité parmi les vagues. 


Illustration : Réserve géologique de Haute-Provence, Digne, la Dalle à ammonites.


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