La Provence avant l’Histoire

Comment ne pas songer à la surprise des populations de la basse vallée du Rhône lorsqu’elles ont vu un jour arriver sur leur côte des étrangers porteurs d’une civilisation nouvelle?

Il serait tentant d’imaginer la scène, à l’instar de l’auteur du mythe des origines de Marseille en 600 avant notre ère. Mais l’événement dont il est question ici se rapporte à des temps trois fois plus anciens, à une époque où les ancêtres de Gyptis, l’héroïne indigène de la légende, ne vivaient encore que de chasse, de pêche et de cueillette.

En effet, sur l’île de Riou, à une encablure du rivage marseillais, de nouveaux venus avaient déjà débarqué il y a environ 8 000 ans. Ces « estrangers » étaient de ceux qui introduisaient en Occident la poterie, les céréales cultivées et les animaux domestiques, bref, un confort auquel les populations locales issues des Cro-Magnon semblent s’être rapidement habituées.

Ironie de la préhistoire, lorsqu’il y a 35 000 ans, les Cro-Magnon eux-mêmes avaient fait leur apparition en Provence (et en Europe) ils étaient alors porteurs de technologies bien plus avancées que celles des populations archaïques qui peuplaient déjà la région depuis la nuit des temps.

Notre Provence recèle quelques-uns des sites-témoins les plus fabuleux de cette période reculée : Roquebrune-Cap-Martin et ses outils de 950 000 ans, Saint-Estève-Janson et son feu de 600 000 ans, ou encore Nice et ses campements de Terra Amata (350 000ans) et du Lazaret

 (150 000 ans).

On connaît mal l’espèce de pithécanthrope qui fréquentait la Côte à cette époque mais on imagine qu’il devait ressembler à l’Homme de 

Tautavel (Languedoc), vieux de plus de 400 000 ans, un nabot à petite tête qualifié d’Homo erectus européen.

Le descendant de cet homme archaïque a occupé toute la région pendant plus de 100 000ans, notamment le Luberon, la vallée du Verdon, le Var, les Alpes-Maritimes, les Alpes de Haute-Provence et la région de Marseille, c’est l’homme de Néandertal un lourdaud en bout de lignée, dont la race s’est discrètement éteinte.


LE PASSÉ ENGLOUTI


Tandis qu’à Menton, il y a 30 000 ans, les nouveaux venus (des gaillards d’1,80m), sculptaient de merveilleuses petites statuettes, leurs «collègues» de Marseille laissaient les traces de leurs mains sur les parois de la grotte Cosquer dont l’entrée est aujourd’hui engloutie par 37 m de fond. Oubliée pendant près de 9 000 ans, la caverne a été revisitée il y a 18 500 ans par les auteurs des peintures et gravures animales.

Devenus agriculteurs, éleveurs et à l’occasion cannibales (à Salernes) leurs descendants n’ont plus considéré la chasse et la cueillette que comme des activités d’appoint. Les premiers villages (Châteauneuf-les-Martigues) se sont édifiés en même temps que la population s’est accrue de manière considérable.

Vers 2 000 ans av. notre ère sont apparues les sépultures mégalithiques (Arles) ainsi les premières fortifications (étang de Berre) tandis qu’au mont Bégo (Alpes-Maritimes) les paysans ont gravé sur les rochers des dizaines de milliers de signes pour exprimer leurs croyances.

A partir du VIIe siècle av. notre ère, les populations ont vu enfin arriver les premiers «commerçants» étrusques puis grecs. C’est alors que la Provence est entrée dans l’histoire autant que dans la légende.

Illustration : reconstitution d’un foyer préhistorique. Journées de la préhistoire de Quinson.

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