Du 8 au 25 juillet 1998
Marseille
Friche de la Belle-de-Mai
Anne Denis sur Émulations
(2013)
Cette vingtaine d'images photographiques issues de foules s'accolent ou se séparent, tendent à faire bloc tout en se singularisant. Il s'agit, confusément, d'approcher la personne humaine, de révéler, depuis la chair, depuis l'épaisseur - et non à partir de traits expressifs - comment un être humain fait sens, comment, à travers l'anonymat, à travers la fluidification des traits distinctifs, un certain nœud d'humanité persiste et s'impose, en bloc.
Donc, d'un visage faire une face, où puissent se nouer l'appartenance à l'espèce humaine et un désir d'individualité.
En retour : une foule d'existences peu distinctes et pourtant singulières, une foule de personnes - devenue une foule d'images - qui obligerait le regard à un équilibre entre le balayage et l'attention pour chaque portrait, entre généralité et singularité.
Anne DENIS
Des individus à peine identifiables, des identités littéralement dissoutes, une sorte de degré zéro de l'humain, tels sont les attributs de ces visages dépourvus de toute singularité (Anne Denis). Le processus d'effacement et d'érosion auquel ces visages ont été soumis constitue une forme de laminage de tout ce qui fait relief chez le sujet L'opération en question consiste à photographier une foule, puis à isoler sur la pellicule un visage que l'on agrandit jusqu'à le rendre méconnaissable. Si l'agrandissement du visage sélectionné simule un rapprochement du spectateur et du sujet de la représentation, il provoque en réalité un éloignement. Plus on s'approche de l'individu, plus il s'éloigne, s'étiole et disparaît dans la matière photographique. Si proche de l'autre, mais si loin de tout ce qui le caractérise en tant qu'individu, telle pourrait être la devise de ces images. Au regard de cet impératif catégorique de la mise à distance, sous le coup duquel se trouve le visage d'autrui, la photographie est impitoyable.
Vincent LAVOIE