Du 8 au 25 juillet 1998
Marseille
Friche de la Belle-de-Mai
Le site de Pierre Garel
Il m’est difficile de nommer ce que je fais. Ni peintures, ni sculptures, ni installations. J’entre en contact avec le monde qui m’entoure principalement par le biais de surfaces - celles de la carte routière, du trottoir ou des murs d’une ville, du journal ou du plan de travail - et mes travaux en sont des équivalents.
Je m’intéresse aux étendues et j’aborde ce type d’espace par le biais de de la cartographie, par l’utilisation de surfaces maculées de taches auxquelles quelques indices donnent une échelle plus vaste, en font des fragments géographiques de lieux imaginaires. Ces indices ont progressivement pris l’allure d’une ponctuation assez péremptoire, presque agressive, qui s’impose en tension avec la quiétude des champs colorés. J’utilise la couleur jaune pour marquer des surfaces et parfois pour évoquer le désert et sa lumière.
En 1995, l’intérêt pour le désert s’est focalisé alors sur le thème de la mer d’Aral, qui, nous le savons, s’assèche, disparaît peu à peu de la surface du globe, d’où cet intérêt progressif pour des situations de désertifications. La pièce Mer d’Aral, suite et fin, etc. a été réalisée dans cet esprit: des bacs contiennent des solutions liquides qui s’évaporent lentement.
Mon travail s’oriente de plus en plus vers l’installation mais n’en conserve pas moins un esprit très pictural, pour trois raisons principales: l’espace réel abordé par un travail «plan» ou à faible relief, mettant en relation le mur et le sol, le traitement de la couleur, et la manière de composer.
Après la série des Variations sur une violence redoutée (1996), où j’évoque un terrain vague jonché de déchets de la lisière sud de Lille, je me focalise, en 1997, sur le Portugal et Lisbonne en particulier.
Des lieux de ce pays apparaissent de différentes manières: par des objets récupérés sur place et directement insérés (détritus, imprimés, pavés... ), par des images photographiques (pavés encore, mais aussi sols naturels), par des matériaux explicites (céramique blanche, huile d’olive... ) que seule l’utilisation particulière sauve du cliché culturel et enfin par des dispositions sérielles qui, de façon plus intime, découpent l’espace et le temps en écho avec mon vécu au travers d’endroits divers. La pièce Barragem 1 est liée, mais très indirectement, aux nombreux barrages du Portugal intérieur: retenue d’eau canalisée, assèchement en aval...
Je tiens à ce que le spectateur ait la place pour évoluer dans ces surfaces, l’opportunité d’y entrer et d’en sortir à sa guise, par le regard, la pensée ou parfois physiquement. Ce qui ne signifie pas qu’elles sont toujours faciles d’accès. Je cherche peut-être à présenter des étendues chargées de l’inquiétude que j’ai à les vivre et à les savoir éphémères.
Pierre GAREL