Thierry Jourd’heuil
Paysagiste
(1) Il existe plusieurs associations «Terre de Sienne» à Marseille. Celle dont il s’agit ici a été créée à l’initiative d’enseignants du collège Saint-Mauront.
Le catalogue
en pdf (13 Mo)
J’ai inventé le " Jardin à roulettes " à la suite d’une rencontre avec Michèle Gleizer. La comédienne, qui est aussi brodeuse, recherchait un paysagiste car elle avait besoin d’un potager dans la cours du centre culturel Suisse, rue des Francs-Bourgeois dans le 3e arrondissement de Paris, pour une exposition consacrée à ses tapisseries. Elle a fait appel à moi.
Michèle est une passionnée, une belle personne. Elle aime les potagers, la campagne, les gens. Entre deux tournages, elle brode, au point de croix, à points comptés. Les poèmes de Francis Ponge l’accompagnent. Elle brode des prés. Elle m’a présenté son travail avec beaucoup de retenue et de modestie. Entre ses mains, des étoffes et des toiles un peu râpées deviennent des prés, des jardins, des potagers, les lettres s’y mêlent, les animaux aussi. Des lapins grignotent les rangs de laitues, les vaches broutent des mots.
L’idée de tisser l’espace m’est venue rapidement. Comme Michèle, j’imaginais utiliser des objets récupérés : palettes, bidons, roues de chariots de supermarché abandonnés dans la ville. Mais rue des Francs-Bourgeois, en plein Paris, entre deux immeubles, dans une cour aux lumières fugaces, l’idée de potager ne germait pas, question d’espace, de quartier, mais aussi de décalage avec le dehors dur, impitoyable, remplis d’exclus et d’affamés.
L’exercice se révèle difficile quand je passe mon temps à concevoir des espaces publics, où se mêlent aux traditionnels arbustes des arbres fruitiers et des petits fruits rouges. Il faut que l’on puisse goûter cet espace si précieux, et ces moments délicieux. Dans les jardins naissent des souvenirs.
Je désirais tisser aussi un espace raffiné avec de simples objets. Les broderies de Michèle Gleizer étaient fines, délicates, fragiles. Au centre de la cour, un grand carré de prairie avec des pâquerettes accueillait la tapisserie du Pré accompagnait le vers de Francis Ponge " mille aiguillées de fil vert font un pré ", extrait de son recueil Inventaire sur le pré.
Autour, à la recherche d’un rayon de soleil, des carrés de choux, de laitues et de menthes et de tomates prenaient place. Ils donnaient l’illusion d’un jardin posé là depuis longtemps, alors qu’il était provisoire.
Les potagers installés dans des planches et des palettes devaient bouger, se transporter comme les radeaux des Indiens sans terre d’Amérique centrale ; sous les jardins j’ai vissé des roulettes.
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Le «potager mobile» présenté lors de l’exposition des broderies de Michèle Gleizer « Pour un sourire à M. Mustapha». Centre culturel suisse de Paris. 2002.